lundi 5 mai 2014

Quand il n'y a plus d'espoir

J'ai un peu déserté en raison de quelques jours de vacances... Ça a globalement fait du bien, malgré un temps digne d'un début de mois de mars. Et de notre rendez-vous avec la médecin du CECOS, conseillé par l'urologue de l'Homme. Le rendez-vous s'est plutôt bien passé. La médecin-biologiste semble être une dame extrêmement professionnelle et attentive. Le contenu du rendez-vous, par contre, n'est vraiment pas réjouissant... C'est dur pour moi d'en faire le compte-rendu, et pourtant, il faut bien que je le fasse. Ne serait-ce que parce que j'ai besoin de vider mon sac...

On est arrivé en retard. Il faisait un froid de canard, et, bien malgré moi, je sentais venir les mauvaises nouvelles. Sans vouloir jouer la pessimiste, chaque fois que nous sommes sortis d'un rendez-vous médical ces derniers temps, il y a chaque fois eu une mauvaise nouvelle. Donc, c'est blindée comme un cheval de Troie, que j'ai trotté derrière l'Homme, dans le grand hopital où nous devions rencontrer la biologiste. Il a fallu descendre à l'entre-sol. L'Homme a tout de suite grommelé : "Regarde, on est à l'étage des pestiférés !". Je lui ai pris la main et l'ai serrée. On a été reçu par une secrétaire plutôt aimable, qui a ouvert notre dossier. Un de plus. On a attendu à peine 5 minutes (normal, on avait déjà presque 1/2h de retard), et la médecin est venue nous chercher. Une femme déjà assez âgée. L'ombre de sourire bienveillant. Elle nous a demandé l'autorisation pour qu'un interne assiste à l'entretien.

On s'est installé dans la salle de consultation. Minuscule. Froide. Seul un tableau, affichant des photos de bébés venait un peu illuminer la pièce... Elle nous a donc posé des questions. On lui a expliqué notre historique. Première surprise pour elle : un diagnostic de Klinfelter chez mon homme, passé inaperçu depuis presque 30 ans. Elle était presque furieuse en disant que compte tenu des symptômes physiques visibles, ça aurait dû être dépisté bien avant, lors de contrôles de routine. Voyant mon homme hésitant, je me suis lancée et ai posé la première question, essentielle, qui n'arrivait pas à franchir ses lèvres : serait-il possible de tenter une biopsie testiculaire, et ce, malgré l'avis négatif de l'urologue ? Elle a eu un instant d'hésitation. Et elle nous a expliqué qu'elle nous la déconseillait fortement. A renfort de petits croquis, elle nous a expliqué que, l'Homme, ayant la chance d'avoir un taux de testostérone normal, risquait fort de perdre les cellules qui fabriquent cette hormone mâle, souvent en défaut chez les hommes Klinfelter. Résultat des courses, tout ce qu'il risquerait d'y gagner, c'est un traitement hormonal à vie, avec piqûres tous les 3 mois. Tout ça pour une chance infime, quasi inexistante, de trouver des spermatozoïdes. Elle a un peu tiqué quand je lui ai expliqué qu'il y avait une étude parue dans un journal médical, faisant état d'une quinzaine de bébés nés de biopsie de Klinfelteriens homogènes. Elle nous a dit que ce n'était surement pas une étude française. Et que l'urologue de l'Homme était un professeur émérite et reconnu dans son métier, l'un des deux seuls de la région à faire les fameuses biopsies et que, s'il l'avait déconseillé, il fallait lui faire confiance. J'ai vu les yeux de mon chéri se brouiller et devenir brillants. Les larmes aux bords des yeux. Il a serré les lèvres pourtant. Mais lorsque la médecin a abordé le sujet de la famille, ça a été trop dur. Les parents, les proches, sont-ils au courant de la situation ?

Il a craqué. Il s'est effondré. J'ai posé une main rassurante sur sa nuque. Tout en expliquant au médecin combien c'était dur pour lui d'avouer sa stérilité à ses parents. Elle a hoché la tête en signe de compréhension, car la stérilité masculine est trop souvent associée à l'idée de l'impuissance, mais elle a quand même ajouté que le soutien de la famille proche est très importante dans une démarche de PMA.

Enfin, j'ai appris à cette occasion, pourquoi une procédure d'insémination artificielle avec donneur est si longue. Les dons sont rares. Beaucoup plus rares que ce que j'imaginais. Les critères de sélection étant déjà drastiques (hommes en bonne santé, entre 18 et 45 ans, en couple, avec au moins un enfants en bonne santé et avoir l'accord de la femme, chose quasi impossible, car souvent, pour une femme, que son mari donne son sperme équivaut à une infidélité. Imaginer un autre enfant de son mari quelque part est souvent insupportable), les donneurs en Alsace sont de l'ordre de... 30. J'ai cru que j'allais tomber de ma chaise quand elle a donné les chiffres. 30. Et TOUS, sans exception, sont des proches de couples ayant eu des soucis de procréation. Effectivement, il est donc possible, voire extrêmement conseillé, de "parrainer" des hommes de son entourage et les encourager à aller faire un don au CECOS. Ce don n'est pas destiné au couple qui parraine, mais cela permet de réduire l'attente, et parallèlement, au CECOS de pouvoir augmenter les possibilités de dons aux couples stériles. Sauf que pour nous, dans la situation actuelle, c'est assez compliqué. Le frère de l'Homme n'a pas encore d'enfant. Je n'ai pas de nouvelles de mon propre frère depuis Noël... Alors je me vois mal le contacter en lui disant de revenir dans la région pour aller faire un don de sperme... J'en aurais presque ri si ce n'était pas si tragique...

Nous sommes donc repartis, avec notre dernier espoir d'enfant biologique foulé au pied et à jamais réduit à l'état de projet irréalisable. Nous sommes repartis avec un autre rendez-vous à la mi-juin, au CECOS de Strasbourg cette fois-ci, car, avec mon affection de longue durée, le protocole se fait à Strasbourg. Mais par chance, notre médecin de Mulhouse consulte également là-bas. Ça permettra d'avoir une seule interlocutrice, ce qui n'est pas négligeable en terme de gain de temps, car le temps, nous allons devoir courir après ! Ce prochain rendez-vous consistera en un nouvel entretien d'une heure. Apporter les pièces justificatives pour notre inscription officielle sur la liste des demandeurs. Même si c'est la date du rendez-vous initial qui sera pris en compte pour notre place sur la liste d'attente. Ça nous fait gagner 1 mois 1/2. Je sais également que j'aurai droit à mes premières prises de sang hormonales, afin de savoir si je vais subir une IAD (insémination artificielle avec sperme d'un donneur) ou une FIVD (Fécondation in-vitro avec sperme d'un donneur). Cela dépendra d'une hormone : l'AMH. La montée de cette hormone précède la montée d'une autre hormone qui marque l'entrée en ménopause. Je n'ai pas encore 40 ans, mais je n'ai plus que 2 ans 1/2. Le temps reste donc un facteur déterminant.

Sur le chemin du retour, l'Homme semblait perdu dans ses pensées. Les yeux toujours trop brillants, les doigts toujours trop serrés autour du volant. Il a suffit d'un touriste arrêté au milieu de la route pour qu'il explose. Un vrai feu d'artifice de colère, de tristesse, d'incompréhension et de rage noire. Il a hurlé sa peine. Il a frappé le volant de toutes ses forces, l'a secoué, faisant tanguer la voiture. Je l'ai forcé à s'arrêter sur le bas-côté. "Putain de vie de merde !!!!! A quoi ça sert tout ça !!! A rien ! Je pète un câble ma chérie, je pète un câble ! Que des rendez-vous ! Qui débouchent sur d'autres rendez-vous !!! J'étais tellement sûr d'en avoir envie et maintenant, je me dis que je n'y arriverai pas !!!!" Je l'ai laissé exprimer toute sa rage et son sentiment d'injustice. Je l'ai laissé douter à haute voix. Il avait besoin de cette explosion. J'ai eu très peur pour lui sur le coup. J'ai encore un peu peur pour lui. Même si depuis, il a retrouvé le sourire. Je sais qu'il y aura d'autres bas. Comment pourrait-il en être autrement, quand tu n'as plus d'espoir ? Ou disons plutôt, quand tu n'as plus cet espoir. Il faut laisser le temps au temps. Lui laisser le temps de se projeter dans une paternité désormais différente de ce qu'il avait imaginé. Ne pas l'étouffer avec la procédure. Le laisser être en colère quand il y a lieu de l'être. Etre là pour tendre son épaule. Offrir la paume de sa main à la caresse. Etre juste présente pour l'écouter, le rassurer, le consoler...

Dieu que c'est dur de continuer quand il n'y a plus d'espoir...

6 commentaires:

  1. Pas évident de trouver des mots réconfortants, mais des camions de pensées positives vous accompagnent dans ces moments difficiles ...

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    1. Merci, tout camion est bon à prendre en ce moment :)

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  2. Bonjour,
    Je me permets une petite question. Pourquoi ne tentez-vous pas une IAD dans un autre pays (type Belgique) où les délais sont beaucoup moins longs ?
    Courage à vous 2

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    1. Bonjour,
      à vrai dire, je ne me suis absolument pas penchée sur la question de la PMA dans un autre pays européen... Mais effectivement, pourquoi ne pas étudier la question ? Tout dépend du rythme de suivi, car quand même, ce n'est pas la porte à côté s'il faut y aller tous les mois^^
      Merci de la suggestion en tout cas :)

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    2. je suis tombée par hasard sur ton blog, j'ai pleuré en te lisant. Nous avons cru être stériles, nous sommes "juste" infertiles. je mesure notre chance. Toutes mes pensées vous accompagnent et je sais à quel point on se sent impuissante face à la douleur de son homme.

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    3. Bonjour, désolée pour le délai de réponse... Je décroche un peu, c'est vital... Nous avons entamé le processus pour un don au CECOS. Les rendez-vous étant assez éloignés les uns des autres, j'occupe mon esprit ailleurs...
      Je suis heureuse pour toi que vous aillez la possibilité d'avoir un mini-vous. Mon homme et moi faisons le pari d'être plus fort que cette P**** de Dame Nature. Et tant pis pour les gènes, seul compte l'amour, n'est-ce pas ?

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